D'éloignement en éloignement, je veux dire de solitude en solitude, éloignement de l'emprise quotidienne - mis à part ses proches et amis - avec le mal qui, tout à coup, enveloppe, ternit et terrasse, n'était-il pas normal qu'il en arrive à cette sorte d'abstraction de l'existence, (existence qu'il aimait profondément) avec cette émanation soudaine, étonnante!... Que sont ces anges voltigeant ça et là dans l'irréel brumeux de sa dernière création?

Nous le découvrons ici, ce très cher, dans cette exposition qui retrace la vie ... d'un artiste vrai. Tempérament épris de liberté jointe à la difficulté de communication avec la société en général ; aussi, dans la mesure du possible s'en tenait-il à l'écart ... jusqu'en son domaine professionnel où les galeries devenaient lieu de mortification, lorsque, quand même, sa présence s'avérait nécessaire! Imaginons cet homme du silence jeté d'un coup sous les brillances actuelles et bavardages à soutenir ?

Françoise, son épouse, me disait cette nature sauvage, déjà en ses jeunes années. Originaire de Suisse, de là, un jour, il s'est senti attiré par Paris, le Louvre entre autres, puis les Brasseries du monde des Arts, Dôme, Coupole en ce temps, mais ne pouvant y être à l'aise véritablement, s'en évader devenait capital ; le Midi de la France représentait alors le paradis, et il l'était pour ce montagnard claquemuré en son pays. C'est ainsi qu'il trouva refuge à Saint Rémy de Provence où il vécut et peignit pendant quarante ans.

Fuyant le monde certes, mais il aurait aimé ce rassemblement d'aujourd'hui autour de son oeuvre. Oeuvre qui parle d'elle-même sans la moindre spéculation possible et qui serait à coup sûr de trop ! Il aurait aimé pour lui, jalousement, très discrètement attentif aux compliments divers, pas homme à en faire étalage en tout cas !

Oeuvre construite en pleine tendresse pour la création, mûrie à travers l'œil constamment émerveillé. Cette phrase d'Einstein : " un homme qui n'est plus capable de s'émerveiller a pratiquement cessé de vivre".- leçon pour nous tous ! Pour Chéco la vie était entière dans cet émerveillement, réservé, de chaque instant, jeté rapide, spontané sur le papier, à quoi s'ajoutait LA vision intérieure, le profond de l'être, exemple multiplié d'une certaine période : cet oeuf qui s'ouvre à la délivrance au milieu de foules par paquets, contenues, serrées dans un de ces paysages des Alpilles, son univers de prédilection.

Novembre 1991

Texte écrit pour l'exposition d'Item chez Doudou Bayol à Saint Remy de Provence en 1991.