Association Maison Item, Suisse
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Jean Proal
Ecrivain
GEORGES ITEM 63
Il est toujours émouvant d'assister à une naissance. Et combien davantage à une naissance d'homme ! Et combien plus encore ! s'il s'agit de cette naissance volontaire, quelquefois triomphante, souvent désespérée, toujours incertaine, d'un homme à l'art, à son art: ce choix si étrangement fait de plus de douleur, de peur et de colère que d'obéissance et de joie.
J'ai assisté à quelques unes de ces naissances. Et c'est une des raisons de l'attachement qui m'est venu pour ce pays d'Alpilles, que de m'avoir donné —en si peu de collines— à voir naître tant de cigales et tant de vocations.
Il s'agit bien de la même magie, dans l'ascension de la bestiole vers la lumière et dans l'élan de l'artiste vers son œuvre. Et du même prix à payer. Mais où la bête accède par la soumission et cette espèce de sommeil hypnotisé, l'homme ne parvient qu'à la pointe la plus extrême, la plus acharnée, la plus douloureuse de la lucidité.
C'est à la montée pathétique de cette lueur que peuvent se mesurer les naissances dont je parle. Et c'est pourquoi je pense, dussent les critiques et les esthètes hausser les épaules, qu'il est difficile de parler d'une peinture sans connaître le peintre qui l'a portée. Ici, et malgré l'apparence, ni l'un ni l'autre n'est simple.
Il serait certes passionant de suivre dans un être —et choisi pour sentir et traduire— les trajets souterrains, qui mènent de la peine et de la joie de vivre à l'œuvre élaborée; ce jeu de bascule lancinant entre un cœur vulnérable et un esprit constamment sur ses gardes; mais ce serait trop facile, car je ne connais pas de peinture plus révélatrice —et par là plus naïve— que celle-ci. Qu'il nous suffise de ne pas oublier que nous avons affaire avec un montagnard: je veux dire un écorché vif —mais cuirassé de défiance— un tendre mais hérissé de pudeur et de défenses.
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